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Appel – Colloque « Ce que peuvent les lettres : Littérature et engagement »

« Ce que peuvent les lettres : littérature et engagement »
Colloque « jeunes-chercheurs » de l’Association des étudiants et étudiantes aux cycles supérieurs en littérature (AECSEL) et de l’Association de création et d’études littéraires de l’Université Laval (ACELUL)
Université Laval, Québec
11 mai 2018

Cher.e.s membres de l’AECSEL et de l’ACELUL,
Nos deux associations se réunissent afin d’organiser un colloque qui se tiendra le vendredi 11 mai prochain. L’évènement se voudra convivial et aura pour objectif de permettre aux étudiant.e.s des premier, deuxième et troisième cycle de nouer des liens entre eux en réfléchissant de concert autour d’un thème fédérateur et actuel, celui du pouvoir de la littérature.
Si l’affaire Dreyfus, en France, a permis l’émergence médiatique de la figure de l’intellectuel engagé à la fin du XIXe siècle, la littérature entre en résonnance avec sa société d’appartenance depuis des temps immémoriaux, aussi bien pour la justifier que pour s’en détacher, voire pour la transformer. Les tentatives répétées de censure dont elle est périodiquement la cible depuis au moins Platon (voir le troisième livre de la République) ne font d’ailleurs que consacrer son pouvoir en révélant en creux l’influence subversive, contestataire, libératrice ou émancipatrice des lettres, influence qui ne va pas sans attiser quelque méfiance.
Prenant acte de ce pouvoir, les littérateurs et les littératrices de tous temps et de tous lieux se sont emparés des mots afin de transmettre un savoir, de faire valoir des idées, d’agir sur le réel et in fine de faire se concilier les figures de l’homme/femme d’action et de l’homme/femme de lettres, dans des modes pouvant varier selon le contexte social et littéraire de l’époque. Des genres les plus socialement engagés à ceux en apparence les plus intimes, la littérature évolue dans l’espace de l’idéologie, tant par les discours qu’elle convie que par la forme qui les porte. Véritable sacerdoce laïc, elle pourra même en venir à relayer, voire à remplacer le discours religieux dans une société occidentale en cours de sécularisation et laissée dans la nécessité de se trouver de nouveaux référents communs (voir à ce sujet les thèses désormais incontournables de Paul Bénichou dans Le Sacre de l’écrivain).
Lorsqu’elle est appréhendée en fonction de son rôle social – que celui-ci soit d’ordre didactique (littérature jeunesse, fictions pensantes, etc.), religieux (littérature sacrée, poésie mystique, etc.), politique (essais, manifestes, romans à thèses, etc.) ou scientifique (traités, récits de voyages, etc.) –, la littérature court le risque d’être compromise dans son essence la plus profonde puisque la notion d’« engagement », entendue dans son sens le plus large, entre en tension – Bourdieu l’a bien montré1 – avec celle d’« autonomie », dans un jeu d’opposition-rapprochement qui soulève tout un lot de questionnements. Peut-on par exemple concilier « engagement littéraire » et autonomie de la littérature ? Peut-on faire de la bonne littérature avec des textes idéologiquement très marqués ? Est-ce même possible d’envisager les lettres en fonction du paradigme de l’utile ? La littérature n’est-elle pas, comme l’art en général, une activité autotélique, qui trouve sa fin propre en elle-même ? En revanche, n’y a-t-il pas dans les postures même les plus « autonomistes », celle des praticiens de « l’art pour l’art » par exemple, une forme d’engagement, fût-il esthétique ?
Par-delà ces considérations qui rendent compte de la complexité du rôle social de la littérature, il faut bien voir que le pouvoir des lettres ne se révèle pas seulement dans le rapport que l’écrivain.e entretient avec le monde social, mais également dans celui qu’il ou qu’elle entretient avec sa propre intériorité ; la volonté de se dire, de se (re)découvrir ou bien, pour reprendre la métaphore de Plotin, de sculpter sa propre statue, peut constituer une véritable appropriation et une démonstration du pouvoir des lettres. Ainsi, l’écriture comme la lecture ont-elles souvent été caractérisées par leur pouvoir « réparateur », qui constitue un autre volet – intime celui-là – de ce que peut la littérature2. Du mémorialiste monumentalisant sa vie au diariste retraçant les menus mouvements de son quotidien pour mieux se comprendre, en passant par le lecteur qui apprend à se déchiffrer à partir du récit d’autrui, la communication littéraire peut s’appréhender comme un processus d’apprentissage, d’exploration de soi, voire d’empowerment (autonomisation) et de guérison, processus qui avec l’émergence récente des nouvelles technologies de communication, comme les réseaux sociaux, sont appelés à se transformer à mesure que l’accès à l’écriture se démocratise3.
Dans le cadre de cette réflexion sur le pouvoir de la littérature, nous sollicitons donc des propositions qui s’inscrivent, à titre d’exemple, dans les axes et thèmes suivants :

  • Poétiques de l’engagement et stratégies rhétoriques ;
  • Engagement et autonomie de la littérature ;
  • Engagement et éclatement des formes poétiques ;
  • Implications sociales de la fiction, des textes canoniques à la paralittérature ;
  • Littérature et éducation : « fictions pensantes », contes philosophiques, littérature
  • jeunesse, manuel scolaire, etc.
  • Littérature et discours religieux, des textes sacrés au sacre de l’écrivain moderne ;
  • Littérature des femmes et engagement ;
  • Les marges et la littérature : donner voix à ceux qui n’en ont pas ;
  • Écriture et lecture réparatrice ;
  • Littérature et société : dire et questionner le social

De multiples approches méthodologiques, privilégiant l’étude des propriétés intrinsèques des oeuvres comme celle de leur contexte d’émission, sont ainsi envisageables (approches thématique, pragmatique, sociocritique, études culturelles, transmédiatiques, etc.). Il est par ailleurs tout à fait possible de faire dialoguer plusieurs disciplines autour de cette notion, dès lors que la littérature est l’une d’entre elles. Il n’y a pas de contrainte géographique ou temporelle quant au choix du corpus. Toutefois, la communication devra être effectuée en français.
Toutes ces précisions ne sont que des pistes de recherche et ne se veulent en aucun cas exhaustives. Les principaux critères de sélection seront l’ancrage de la proposition au thème du colloque, la clarté et la cohérence de la problématique, ainsi que l’originalité de la proposition. Le niveau d’étude de l’étudiant.e sera également pris en compte à des fins d’équité. Alors, lancez-vous et surprenez-nous !
Les communications devront durer de 15 à 20 minutes.
La participation est ouverte aux étudiant.e.s des trois cycles. Veuillez noter que l’AECSEL et l’ACELUL mettront en place, pour les étudiant.e.s de premier cycle le désirant, un système de mentorat qui leur permettra de pratiquer et de bonifier leur intervention avant l’événement, en bénéficiant de l’aide d’un.e étudiant.e plus expérimenté.e de cycle supérieur.
Les étudiant.e.s retenu.e.s se verront donner la possibilité de publier, après révision et correction par le comité éditorial de la revue, un article tiré de leur communication dans un numéro de Chameaux (http://revuechameaux.org/accueil/)  spécialement dédié au colloque de l’AECSEL et de l’ACELUL. Ne manquez pas l’occasion d’être publié ! Ce pourrait être le prélude à une recherche plus conséquente et cela bonifiera votre dossier en vue d’éventuelles demandes de financement !
Les candidat.e.s devront nous faire parvenir un résumé de leur communication d’au plus 350 mots avant le vendredi 9 février 2018, à minuit. Les propositions devront être envoyées par courriel à l’adresse suivante : colloque.engagement.2018@gmail.com,  avec pour objet le nom du candidat ou de la candidate et son cycle d’étude. Vous pouvez également envoyer vos questions à cette adresse.
Nous nous tenons à votre disposition. Bonne chance à toutes et à tous !
Le comité d’organisation
Antoine Blais-Laroche, Alex MacCann,
Simon Pearson et Aurélien Cibilleau
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1 Se reporter à Pierre Bourdieu, Les règles de l’art. Genèse et structure du champs littéraire, Paris, Éditions du Seuil [Coll. Libre Examen], 1992 ; voir aussi l’ouvrage de Sonya Florey, L’engagement littéraire à l’ère néolibérale, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion [Coll. Perspectives], 2013.
2 Cette dimension « réparatrice » de la littérature a fait l’objet de travaux tant en psychocritique (voir par exemple, l’ouvrage de Simon Harel, L’écriture réparatrice, Montréal, Éditions XYZ, 1994), qu’en études culturelles et sociocritiques (voir par exemple les analyses d’Umberto Eco sur la « consolation » que procure la littérature « populaire », dans De Superman au Surhomme, Paris, Grasset [Coll. Le livre de poche], 2016).
3 Voir à ce sujet l’analyse que propose Mathieu Arsenault des conséquences du virage numérique sur le milieu littéraire : « Il est de nouveau possible d’écrire de la poésie sans avoir l’angoisse du lectorat, de laisser l’écriture découvrir ses propres potentialités, et plus uniquement les potentialités médiatiques de sa diffusion. […] Les communautés culturellement marginales ont de l’air pour respirer quand une simple liste d’envoi ou une page d’événement permet de remplir une salle sans attendre qu’un chroniqueur culturel se déplace pour rassurer le grand public sur le bon goût de l’événement et assurer une audience suffisante pour payer la salle et l’organisation. » (« Mille Plazas », dans Liberté, n° 302, hiver 2014, p. 75).