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Colloque
Université Laval

Colloque « Loranger soudain »

Jeudi 20 et vendredi 21 septembre 2007
Université Laval, Québec
Pavillon la Laurentienne, local 1435

Programme

Jeudi 20 septembre

13h00: Accueil et Mot de bienvenue

première séance

Présidée par Marie-Andrée Beaudet

  • 13h30: Dominique Robert — Université du Québec à Montréal
    « Le retour de l’idiot : Loranger revient en ville »
  • 14h10: Jean-François Bourgeault — Université McGill
    « "Tournoiements alternatifs" de Loranger : spéculations sur une scène primitive »
  • 14h50: Jean-Sébastien Trudel — Université Laval
    « Donner l’équilibre : l’intenable en poésie »

15h30: Pause

Deuxième séance

Présidée par Jacques Paquin

  • 15h50: Thierry Bissonnette — Université Laurentienne
    « Dehors et dehors du dehors : spiritualité et modernité chez Loranger »
  • 16h30 Antoine Boisclair — Université Laval
    « Loranger réaliste »
  • En soirée: Banquet-lancement à l’Abraham-Martin

Vendredi 21 septembre

Troisième séance

Présidée par François Dumont

  • 09h00: André Duhaime
    « Les tankas de Jean-Aubert Loranger »
  • 09h40: Pierre Ouellet — Université du Québec à Montréal
  • « Les formes de l’étrangeté »

10h20: Pause

Quatrième séance

Présidée par Andrée-Anne Giguère

  • 10h40: Thomas Mainguy — Université Laval
    « L’intervention du prosaïsme chez Romains et Loranger »
  • 11h20: Luc Bonenfant — Université du Québec à Montréal
    « "Le roc en ces lieux s’est levé des profondeurs de la terre" : Temps et instants chez Loranger »

12h00: Dîner

Cinquième séance

Présidée par Anne-Marie Fortier

  • 14h00: Vincent Charles Lambert — Université Laval
    « Loranger, une poétique du désapprentissage »
  • 14h40: Marc-André Brouillette — Université Concordia
    « À quel soudain se vouer ? »

15h20: Pause

  • 15h40: Table ronde : la réception critique de Loranger
  • 17h00: Clôture du colloque

titres et résumés des communications

  • Thierry Bissonnette
    Titre : « Dehors et dehors du dehors : spiritualité et modernité chez J.-A. Loranger »
    Marquée par la polarité dehors/dedans, l’oeuvre de Loranger s’articule autant comme une appropriation du visible que comme une dépossession subjective. J’examinerai quelques-uns de ses paradoxes, en tâchant de voir comment l’auteur articule expérience spirituelle et recherche formelle, et de quelle façon ces deux plans modulent son élan vers l’extériorité.
  • Antoine Boisclair
    Titre : « Loranger réaliste »
    Résumé : Si Jean-Aubert Loranger a « cherché l’Introuvable » et convoqué la figure du vagabond; si l’activité du « passeur » nous revoie dans un certain sens à l’idée du mouvement (celui du va-et-vient constant entre deux rives), Les Atmosphères et les Poëmes témoignent à plusieurs égards d’un souci de stabilité et d’enracinement. Les thèmes de l’attente, de l’immobilité ou de la paralysie s’inscrivent dans cette forme de sédentarisation qui, bien qu’elle fasse écho à l’esthétique du terroir, est porteuse d’une certaine modernité. Partant de ces considérations, cette communication souhaite voir quelles sont les conséquences esthétiques d’une telle posture. Plus précisément, il s’agira de voir comment l’enracinement du sujet dans un lieu permet à Loranger de développer une esthétique « réaliste » fondée sur l’observation (sur le regard pictural) et la proximité avec le monde sensible. Des poèmes, mais aussi des contes et des textes en prose seront mis à contribution afin d’évaluer dans quelle mesure l’épithète « réaliste », particulièrement importante dans le champ artistique des années 1920, permet de rattacher le parcours de Loranger à celui d’autres poètes canadiens-français.
  • Luc Bonenfant
    Titre : « "Le roc en ces lieux s’est levé des profondeurs de la terre" : temps et instants chez Loranger »
    Résumé : L’extrait cité, tiré de Terra nova, est indicatif du rapport ambigu au temps que l’on trouve dans les textes de Loranger : le roc semble en effet y surgir soudainement alors qu’il a dû, sur le plan logique, se soulever lentement. J’attribue ce rapport à une existence spectrale de l’épique où « parole » et « action » se trouvent finalement intimement liées. C’est à ce geste scriptural contradictoire que je souhaite m’intéresser : en soumettant l’écriture à une précarité de l’instant qui reste toujours déjà sous-tendue par la durée, la part épique de l’écriture chez Loranger montre une tentation du roman qui n’est finalement pas étrangère à l’œuvre entière, poèmes et contes inclus.
  • Jean-François Bourgeault
    Titre : « "Tournoiements alternatifs" de Loranger : spéculations sur une scène primitive »
    Résumé : Fasciné par les tournoiements qu’incarnent tour à tour les phares sabrant l’ombre, les moulins remuant les lointains ou encore, dans le conte « Le vagabond », les « paysages qui tourn[ent] lentement sur eux-mêmes, comme sur un pivot », Jean-Aubert Loranger pourrait être considéré comme l’initiateur d’une poétique des « tournoiements alternatifs » (« Les phares ») dans l’histoire de la poésie québécoise. À « l’harmonisation » du « chant » explicitement renvoyé au passé dans le poème « Les phares », comparable dans le registre rhétorique au « geste interrompu d’un orateur ne trouvant plus ses mots » (« Le passeur »), la logique des tournoiements oppose la succession discontinue de scènes où le sensible, semblable aux « ailes lumineuses » des phares, surgit sur fond d’ombre d’un poème qui renonce à lui conférer les clartés explicatives et intelligibles de rigueur au moment où Loranger publie Atmosphères.  Étudiant dans son œuvre les occurrences à tous les niveaux de ces tournoiements obsessifs, les mettant en regard d’autres poèmes contemporains parmi lesquels elle fit son apparition, je chercherai ici à comprendre comment le poème de Loranger, « tout occupé qu’il est – à l’instar du passeur – du mystère de ses articulations devenues inutiles », est engagé dans un procès subtil de réarticulation qui peut prendre la valeur d’une scène primitive pour l’histoire d’une « modernité » toujours en cours.
  • Marc-André Brouillette
    Titre : « À quel soudain se vouer ? »
    Résumé : Dans le cadre de cette communication, je souhaite me pencher sur les notions de soudaineté, de singularité, de surprise et d’engouement dans la poésie en m’appuyant sur l’œuvre de Loranger. Toutes ces notions sont étroitement liées à la perception, tant sensible qu’historique, d’une œuvre. Si l’on associe habituellement le « nouveau » à un surgissement, comment peut-on penser une œuvre que la critique, par exemple, s’efforce de faire naître et renaître périodiquement? J’esquisserai quelques pistes de réflexion qui porteront sur certaines différences de l’expérience de la soudaineté, selon qu’elle est vécue par le poète ou par le lecteur-critique : chez le premier, l’expérience sensible que formule l’écriture semble prédominante; chez le second, l’expérience de la mémoire apparaît primordiale. Quelle relation entretiennent ces deux types d’expérience à propos de l’œuvre de Loranger ?
  • André Duhaime
    Titre : « Les tankas de Jean-Aubert Loranger »
    Résumé : Après un bref exercice de vocabulaire (haïkaï, hokku, senryu et haïku; waka, uta, outa, tan-renga et tanka; renga, haïkaï-no-renga, renku, etc. ), cette communication tentera de répondre à quelques questions, telles : Jules Romains a-t-il amené Jean-Aubert Loranger vers les « haïkaïs et outas » ? Quelle était la bibliothèque ‘japonaise’ des premiers haïkistes français et quelles ont été les lectures de Jean-Aubert Loranger ? Quelle a été l’influence des « HAI-KAIS et OUTAS » de Jean-Richard Bloch sur les « HAIKAIS & OUTAS » de Jean-Aubert Loranger ? Quelle est la singularité des poèmes de Jean-Aubert-Loranger ?
  • Vincent-Charles Lambert
    Titre : « Loranger, une poétique du désapprentissage »

    Résumé : Cette communication tentera de montrer que les rapports de l’être et de son environnement (paysages, objets…), dans la poésie de Jean-Aubert Loranger, sont habités par la nécessité d’une décontextualisation menant à l’inscription de l’événement, de la "chose", dans un non-lieu qui lui confère une étrangeté susceptible de renouveler sa perception — pour le montrer, peut-être, tel qu’il est réellement, ou du moins tel qu’il apparaît lorsqu’il se présente pour la première fois à la conscience. J’insisterai sur cette volonté d’inscrire ou de désigner, une opération qui procède étrangement d’une sorte de désapprentissage des propriétés habituelles de l’objet qui permet de jeter sur lui un regard neuf et distancié.

  • Thomas Mainguy
    Titre : « L’intervention du prosaïsme chez Jules Romains et Jean-Aubert Loranger »
    Résumé : La présente communication entend mettre en parallèle La vie unanime (1908) de Jules Romains et Les atmosphères (1920) de Jean-Aubert Loranger. L’influence du premier sur le second ne peut être démentie, or nous nous intéresserons ici aux décalages qui assurent au recueil de Loranger autonomie et originalité par rapport aux poèmes unanimistes de Romains. Alors que ce dernier privilégie la versification, Loranger choisit la prose. Étrangement, toutefois, la fidélité à l’égard du réel de Romains confère à son vers un caractère éminemment prosaïque, où la parole manifeste un souci constant d’objectivité. À l’inverse, chez Loranger, l’élection de formes prosaïques (conte, verset) ne s’oppose pas à l’émergence du lyrisme. Le prosaïsme des poèmes tend ainsi à dévoiler l’univers onirique du poète. L’exploration de cet univers nous informe rapidement des difficultés qu’il éprouve à investir le monde, si bien que l’unanimisme paraît, à certains moments, complètement évacué. Ou peut-être demeure-t-il inscrit quelque part entre les mots, dans les silences du texte, comme un désir auquel Loranger n’arrive pas à renoncer.
  • Pierre Ouellet
    Titre : « Les formes de l’étrangeté »
    Résumé : Je mettrai en relation l’intérêt de Loranger pour les formes poétiques exotiques et la propension qu’il a à déployer les figures thématiques de l’étranger et de l’ailleurs. Le questionnement portera entre autres sur la vision unanimiste de Loranger où la singularité de chacun et la collectivité humaine se rejoignent dans une poétique de l’extériorité, du dehors ou du divers qui permet de penser que dès l’aube de notre modernité une conception inédite de la subjectivité, ni « individualiste » ou « égotiste » comme chez les néo-romantiques ni « communautariste » comme chez les régionalistes et les terroiristes, voit le jour et prend forme à travers une expérience nouvelle de la langue, du monde et de l’histoire.
  • Dominique Robert
    Titre : « Le retour de l’idiot: Loranger revient en ville »
    Résumé : La communication proposera quelques méditations autour de la suite de poèmes regroupés sous le titre "Le retour de l’enfant prodigue". Les méditations s’attarderont au thème du retour — central à la réflexion de Heidegger sur Hölderlin; central à Hölderlin dans son "Empédocle", ou à la généalogie de la suite de sa poésie avec cet étrange retour à pied de Bordeaux jusqu’à Nürtingen; central à la réflexion de Platon sur le philosophe, dans son retour obligé à la caverne; central à la réflexion de Beckett, notamment chez Molloy rentré chez "sa mère" (quand on pense que le pays natal chez Hölderlin est dit "la mère", ou que Madame veuve Gok attend Hölderlin à Nurtingen…); etc. À la faveur de ce thème du retour, la communication rapprochera la figure du poète de celle de l’idiot, et ce, dans un territoire de réflexion qui questionne l’autochtonie : n’y a-t-il pas, chez Loranger, le retour d’un idiot au "pays sans amour" ? Il s’agira en somme, au sein du vaste "tableau du monde" (Claude Beausoleil, "Le déchiffrement du monde"), de reterritorialiser cette "mise en intrigue" (Paul Ricœur) du retour du poète occidental, jusque dans notre "culture trouée" — que Beausoleil nomme "île" ou "ville".
  • Jean-Sébastien Trudel
    Titre : « Donner l’équilibre : l’intenable en poésie »
    Résumé : De par son statut dans le recueil auquel il appartient (seul texte en vers) et de par son statut dans l’histoire littéraire du Québec (il serait supposément le premier poème en vers libres), mais surtout de par sa limpidité proche de la formule, de l’équation, ou du calcul (d’un impossible) qui pose trois termes en les rendant indissociables (le monde, le sujet et le langage, si l’on admet que la fenêtre du poème, voire le poème lui-même, est une métaphore du langage), le poème « Je regarde dehors par la fenêtre » de Loranger met en lumière les paradoxes d’une poésie vouée à « donner l’équilibre » à un être qui peut difficilement en avoir, parce qu’il est indéterminé et inconsistant. J’examinerai les implications de cette recherche d’équilibre dans l’œuvre de Loranger afin de comprendre en quoi l’échec relatif de l’entreprise poétique assure en fin de compte sa pérennité. En effet, le langage s’avère essentiel dans la mesure où le monde et le sujet, de par leur monstruosité même, continuent d’échapper au langage. L’équilibre peut continuer d’être donné dans la mesure où il ne peut être atteint… Ainsi, l’intenable pourrait bien être le moteur du sens. Cela se reflète jusque dans les modalités par lesquelles la recherche d’équilibre s’incruste dans les poèmes, ne serait-ce que par l’effet mimétique de l’enjambement qui fait que les vers sont eux-mêmes en équilibre sur l’idée d’équilibre : « Ce que je vois donne l’équilibre / À tout mon être qui s’y appuie ».

PROPOSITION

En épigraphe au premier livre de Jean-Aubert Loranger (Les atmosphères, 1920), se trouve une phrase de Jules Romains : « Quelque chose s’est mis à exister soudain ». Bien entendu, cette phrase doit être comprise dans le contexte stratégique du recueil. Elle prépare le lecteur à ce qui va suivre en l’enjoignant à lire sous un mode particulier, qui est peut-être celui de la littérature. Mais quel est le statut de ce qui « se met à exister soudain », sinon celui d’une singularité? C’est à partir de cette idée de singularité, qui reste à déployer, que ce colloque se propose de revenir à l’oeuvre de Loranger d’abord et à sa place dans notre littérature ensuite, en essayant de dégager l’oeuvre elle-même de sa récupération aux fins du nécessaire récit de notre histoire littéraire.
Qu’est-ce qui, dans les textes de Loranger, « se met à exister soudain »? Une forme de rapport au monde qui suppose une fascination immobile pour les départs ou pour l’étrange? Une alternative entre la posture du « passeur », qui choisit de rester au milieu des choses, au plus près de sa mort, et la posture du « vagabond », qui accepte de vivre en société moyennant beaucoup d’hypocrisie? En interrogeant la part de singularité des textes, qui restera irrécupérable, leur véritable portée se découvrira, au-delà des procédés, des influences, de l’inscription dans un contexte plus global, voire des éventuelles maladresses d’écriture. De plus, les textes de Loranger ne sont pas seulement eux-mêmes de l’ordre de ce qui « se met à exister soudain ». Ils viennent aussi après cette singularité mystérieuse, pour en témoigner, pour la dépeindre. La poésie répond au réel de l’existence, qu’elle invente du même coup.
L’histoire de la réception et de la diffusion de l’oeuvre, qui est bien entendu encore en train de se faire, mérite elle aussi d’être abordée dans la perspective de la singularité. Car la figure du poète se met bel et bien à exister, non pas soudainement, mais plutôt tranquillement, comme si Loranger était de ceux qui ne se laissent pas facilement cerner, et qui finissent justement par s’imposer parce qu’ils échappent à toutes les catégories. Dans cette histoire, plusieurs faits paraissent marquants : la « redécouverte » de Loranger au début des années 70, un Loranger qui était du même coup posé comme « oublié » et « inconnu »; les rééditions relativement récentes des poèmes de Loranger (1992, 2001, 2004), qui témoignent non seulement d’un intérêt de plus en plus soutenu pour cette oeuvre dans les milieux littéraires et scolaires, mais également de prises de position spécifiques au regard du sens présumé de l’oeuvre; la mise à l’écart de ses contes, étiquetés peu originaux, au profit de ses poèmes, qui sont de plus en plus posés comme étant les premiers jalons d’une poésie libérée des contraintes formelles et idéologiques d’une autre ère. Ainsi, à un moment où l’oeuvre et la figure de Loranger s’imposent de plus en plus dans le paysage littéraire québécois, il apparaît essentiel de questionner les enjeux de l’une et de l’autre.